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Bibliophagie

30 mai 2012

La Femme au miroir : E.E. Schmitt

9782226229861*Anne vit à Bruges à la sortie du Moyen-Âge. Promise à Philippe pour lequel elle n’éprouve aucun penchant, elle va profiter d’une diversion lors des préparatifs du mariage pour s’enfuir dans la forêt où elle rencontrera le moine vagabond Braindor, Anne voue sa passion à la Nature dans laquelle elle se fond. Son âme ardente  cherche par là à s’oublier pour rejoindre plus grand qu’elle, cette Nature à laquelle elle parle comme les grands mystiques parlent de Dieu.

Anne vit dans et de la vérité, mais le monde exècre la vérité…

*Hanna contracte un brillant mariage qui la propulse dans la Vienne de Freud. Bien qu’elle se fonde dans  les attentes de cette union qui la veut hôtesse accomplie et porteuse d’une descendance mâle, un malaise grandissant et des symptômes importants la rappellent à sa vérité. C’est par la voie de la psychanalyse qu’Hanna, renonçant à ses rôles et mensonges, se dépouillant de ses biens ainsi que d’elle-même, rejoindra Anne de Bruges et sa vérité.

*Anny vit à notre époque et se laisse entièrement happer par son consumérisme centrifuge. Usant et abusant du sexe et des drogues, elle ne retrouve quelque consistance que dans son métier d’actrice. Aussi la vérité ne s’entrouvrira pour elle que de façon latérale et aléatoire…

Commentaire

Ce roman est un chef d’œuvre non seulement par son écriture remarquable mais surtout par les thèmes qu’il développe : Il donne à voir comment l’accès à la vérité s’est opacifié au cours des siècles et comment le monde s’est, selon le même tempo, désenchanté.

Et puis il nous parle d’une orientation oubliée de nos jours, celle de la voie mystique. Non pas ce faux mysticisme dont se pare la dame « Du domaine des murmures » qui n’est que narcissisme farci de visions et d’oracles, mais le véritable mysticisme qui est abnégation, oubli de soi et retrait de soi pour laisser place à l’Autre.

 


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4 octobre 2011

Les jumelles

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« Le temps était venu de proclamer haut et fort une véritable réconciliation avec sa sœur, par-delà sa résistance têtue. Si elles deux, nées de la même mère, aimées par le même père, elles n’étaient pas en mesure de franchir des obstacles absurdes enfantés par l’Histoire, qui d’autre en serait alors capable?"

Alors qu’Anne, une dame allemande âgée de 76 ans, s’offre une cure thermale à Spa, subitement elle entend la voix de sa sœur jumelle Lotte qu’elle n’avait plus rencontrée depuis plus de 40 ans. La joie d’Anna se heurte néanmoins à la réticence de Lotte, réticence que la première va tenter de briser en reprenant le fil de leur histoire là où elles furent arrachées l’une à l’autre.

Orphelines à 6 ans, les deux sœurs inséparables furent confiées à de vagues parents et emportées, Anna dans une ferme allemande reculée et Lotte dans une belle maison hollandaise. Tout, dans leur sort, va désormais concourir à les éloigner : tandis que Lotte est choyée au sein d’un foyer chaleureux, Anna doit nourrir les cochons et subir les pires traitements jusqu’à sa fuite assistée par un religieux compatissant. Lorsque la seconde guerre mondiale prend cours, Lotte s’éprend d’un juif recueilli par sa famille d’adoption mais  finalement capturé et emmené dans un camp. De son côté Anna épouse un officier nazi, un soldat courageux et dénué de tout antisémitisme. Après la mort de leurs amours respectifs, Lotte va se vouer à la cause des juifs, et Anna part soigner les blessés au sein de  la Croix Rouge...

Au cours des semaines où s’égrène cette double narration, la tension de Lotte reste vive, sa colère à fleur de peau, son pardon impensable  cependant qu’Anna, patiemment ou impétieusement,  démontre par sa vie même que le Bien et le Mal ne sont pas si tranchés que cela,  que le pire régime peut laisser des âmes intactes et que toute généralisation, qu’elle vise les juifs ou les allemands, est source de déshumanisation… 

Ce roman bouleversant, puissant et d’une très belle écriture est à lire, vraiment je vous le recommande.

 

Tessa de Loo

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Née en 1945 à Bussum (Pays-Bas), Tessa De Loo de son vrai nom Tineke Duyvené De Wit a grandi en Allemagne. Elle partage aujourd hui sa vie entre la France, les Pays-Bas et le Portugal. Les Jumelles a été vendu à 3,5 millions d'exemplaires aux Pays-Bas et en Allemagne, et a reçu plusieurs récompenses (The Most Popular Book of the Year Award, The Reader's Award). Il a également été adapté au cinéma et nominé aux Oscars en 2004.

28 septembre 2011

Jamais sans mon livre

3205395016_16e31fe00f_btumblr_lkz4v5fV6X1qafutoo1_500buch,buchmuster,kleidung-65d798c33d3f41d78e279c5137e7376e_h17519067_mGKEScWu_c

21 septembre 2011

Du domaine des murmures

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Au XIIème, Esclarmonde, fille adorée du seigneur des Murmures, décide d’échapper à la dominance des mâles et au silence imposé aux femmes en posant un acte d’éclat : elle prononce le « non » décisif lors de ses propres noces, et exige d’être enfermée dans un réduit jouxtant la chapelle et n’ayant pour toute lumière que celle d’une fenestrelle.

La veille de sa réclusion, contemplant une dernière fois le paysage, Esclarmonde est sauvagement agressée et violée, mais cette violence, qu’elle tiendra toujours secrète, n’ébranle en rien sa détermination  à recevoir l’extrême-onction avant d’entrer dans sa cellule tombale scellée par l’évêque.

Son intelligence, ses extases, sa clairvoyance ainsi que les récoltes miraculeuses qui suivent son enfermement amènent une foule de pélerins à la consulter en sa loge, si bien que lorsque la jeune femme accouchera d’un fils, cette naissance sera considérée par tous comme virginale et quasi divine, croyance qu’Esclarmonde ne réfutera pas tant est grande sa peur qu’on ne lui enlève ce fils bien-aimé ...

Désormais le cœur de la recluse se détourne de Dieu pour s’adonner entièrement à son enfant. C’est par lui et à travers lui que la jeune mère perd sa clairvoyance pour entrer dans une phase de voyances  magiques en même temps qu’elle se laisse attirer par la sensualité.

Mais son fils grandit, bientôt il ne pourra plus vivre ainsi auprès d’elle, séparé du monde extérieur, et bientôt devient aujourd’hui. Mais un tel sacrifice est insupportable à la jeune mère ; révoltée, furieuse, Esclarmonde devient sorcière….

Commentaire

 

Comme en son premier roman Carole Martinez déploie une langue superbe, travaillée, riche, elle use d’un phrasé lumineux en lequel réside toute l’élévation mystique du  livre, car Esclarmonde est loin de faire partie de ces nonnes recluses perdues dans la contemplation divine, elle est une jeune femme qui tente d’échapper à sa condition de fille et d’épouse soumises pour , hélàs, retomber dans une autre condition de l’époque : la sainte et la sorcière.

L’auteur pose son héroïne en narratrice de ce roman, mais anachroniquement c’est à nous, contemporains du XXème siècle qu’Esclarmonde adresse son récit comme si l’auteur lui conférait ainsi l’immortalité propre aux personnages romanesques.

Alors oui, lisez ce roman, ne fut-ce que pour son écriture magnifique .

7 septembre 2011

La patience de Mauricette

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Mauricette Beaussart, âgée de soixante-quinze ans, vient de s’enfuir de l’ EPSM d’Armentières où elle séjournait pour troubles mentaux. Aussitôt appelé par le service, Christophe Moreel, son voisin et ami, entreprend de retrouver la piste de cette femme surprenante par le mélange de sauvagerie paysanne et de raffinement intellectuel dont elle est capable.

Parallèlement au récit de cette quête, le roman insère les monologues de la souffrance que Mauricette elle-même consigne dans un cahier offert par la psychologue du service. Ces textes poétiques bouleversants dans l’expression d’une souffrance qui fait éclater le cœur et le langage, ces passages d’une beauté stylistique stupéfiante, mettent à nu ce qu’une culpabilité native à l’enfant peut entraîner comme ravages quand, loin d’être parlée, elle est quotidiennement rappelée.

A défaut de pouvoir vous citer le livre entier, voici deux extraits où Mauricette nous parle de sa voix d’enfant-poète :

 « Je crois aller mieux mais j’ai des rechutes de noirceur. J'arrive à parler de ça avec le docteur Demolins mais pas tout. Je connais mon noyau de souffrance. Je le suce et roule entre les gencives depuis des années. Quelquefois je le prends dans ma main et je la referme. Il est caché dans ma paume je regarde mes taches de vieillesse sur le dos de ma main et je remets le noyau dans ma bouche. Je crois qu’il faudrait le cracher comme des pépins de pastèque. Flouff. »

« Je ne vais pas m’engluer dans la ressasse du passé. Avant de partir, je vais retirer ces pages. Je laisserai le reste  derrière moi sur le dessus-de-lit. J’ai vu le chemin parcouru à reculons. Je sais la chose qui me rends la plus malade. C’est la douleur de ma vie mais la souffrance devient l’amour du monde sous mes pieds et dans mes yeux. On m’a visitée. Je ne guérirai peut-être pas complètement mais je suis passée à un grand amour sur la planète. Le poème de la terre, d’une enfance innocente. Je ne suis pas malheureuse. Je suis libre. Je continue. C’est peut-être la grâce. »

Lucien Suel 

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Lucien Suel est né en 1948 dans les Flandres artésiennes où il vit toujours.
Éditeur des revues The Starscrewer, consacré à la poésie dela Beat Generation, puis de Moue de Veau, magazine « dada punk », il anime aujourd’huila Station Underground d’Émerveillement littéraire et le blog Silo. Il a publié de nombreux ouvrages de poésie ainsi que deux romans.


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27 août 2011

Romans-fleuves

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Rune Guneriussen.

 

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17 août 2011

Kosaburo, 1945

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« Cette histoire s’inspire d’un visage : celui d’un pilote japonais entrevu sur la page du journal que lisait mon voisin, un temps de midi, au Pain-Quotidien de la place Saint- Loup. Après quelques instants qui m’ont paru une éternité, il a replié le journal avec soin et l’a déposé sur la pile de magazines laissés à notre disposition
La photographie datait de 1945. Le grain du papier la rendait floue mais le visage qui se tenait au centre m’attirait comme un aimant : des traits fins, un regard fixe et la désinvolture des lunettes relevées sur le bonnet d’aviateur. Autour de son cou, une écharpe de soie blanche se déployait dans le vent.

C’est ainsi que Nicole Roland entreprend de rendre hommage à ces jeunes gens cueillis parmi l’élite intellectuelle et sociale du Japon afin qu’ils  suivent une longue et douloureuse formation au bout de laquelle ils seraient, éventuellement,  promus au rang glorieux  de kamikaze. Glorieux certes, puisque, selon le code d’honneur des samouraïs, il n’y a pas de plus grand honneur que de donner sa vie pour l’empereur divin et sa patrie.

Nous sommes donc en 1945, Kosaburo et Akira sont amis depuis leur plus tendre enfance, ils s’inquiètent des défaites japonaises et s’attendent d’un jour à l’autre à recevoir leur ordre de mobilisation ; mais alors que Kosaburo se prépare avec détermination à cet appel, Akira, effrayé, se réfugie dans un monastère, à la plus grande honte de sa famille.

Alors la sœur d’Akira, Mitsuko, décide de restaurer l’honneur de sa famille et d’accompagner Kosaburo qu’elle aime en endossant les vêtements et l’identité d’Akira. Ensemble, les deux amoureux suivront l’entrainement extrêmement dur, voire cruel,  auquel sont soumis les futurs kamikaze. Ces kamikaze, « vent divin », sont ainsi nommés en mémoire du typhon qui, au XIIIème siècle, vint à la rescousse des troupes japonaises acculées par les mongols venus de Chine.

Mais les amoureux ne jouiront pas du bonheur de mourir ensemble, Kosaburo est envoyé le premier en mission kamikaze, dans un avion léger, sans parachute ni essence de retour. Arborant au cou l’écharpe blanche que son amie lui avait donné, sans un friselis d’hésitation, dans une trajectoire parfaitement maîtrisée, l’avion de Kosaburo s’abat en gerbe sur un navire ennemi.

Dès lors Mitsuko n’attend plus que de suivre son amour dans la mort …

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Commentaire

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Ce premier roman s’avère une réelle réussite mais on ne peut s’empêcher de s’étonner qu’une jeune femme, belle de surcroît, puisse passer de longs mois dans un groupe de jeunes gens sans que jamais sa féminité ne soit démasquée. Etonnement qui s’effondre dès lors qu’en toute finale, Nicole Roland nous annonce qu’elle écrivit ce roman en hommage à sa propre fille passionnée de culture extrême-orientale et arrachée à la vie en pleine jeunesse

Voici ce que l’auteur énonce lors d’un entretien de presse: "Cette jeune femme, Mitsuko, c’est un moyen de retrouver Hélène, et le travestissement, c’est ce qu’elle aurait fait. Jusqu’au-boutiste, elle n’aurait pas hésité une seconde pour suivre ses idéaux. Ce personnage, c’est comme si je la mettais au monde de nouveau et, réciproquement, elle me met au monde en tant qu’écrivain ."

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Nicole Roland

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Nicole Roland est professeur de lettres en classe de terminale à Namur, en Belgique. Elle a créé un théâtre universitaire et l'a animé durant vingt ans. . "Kosaburo, 1945 " est son premier roman pour lequel elle a reçu le Prix Première 2011 de la RTBF

30 juillet 2011

l'homme tient le livre, le livre tient l'homme...

Mano Portalibrobeneforti

20 juillet 2011

Guadalajara

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 Imaginez un Borgès, mais un Borgès qui a transplanté sa logique illogique du territoire scientifique et géométrique dans celui de l’humain, vous obtenez ainsi Quim Monzo et cet étonnant recueil de nouvelles au nom chantant.

Bienheureuse logique illogique, mère des surprises et des renouvellements, porteuse des révolutions et des créations ! Et en effet, que serait l’Histoire des hommes et celle de chacun si nous fonctionnions tous selon la même logique purement logique, sinon une suite prévisible et  ennuyeuse, une non- histoire puisqu’en finale rien ne s’y passerait de réellement neuf ?

Dans certaines des nouvelles qui composent cet ouvrage, Monzo reprend des histoires ou des morceaux de l’Histoire bien connus pour les confronter à une autre logique et leur imprimer ainsi  un mouvement tragico-comique surprenant.

Mais dans la plupart de ces nouvelles Monzo met en scène un homme pris entre la logique universelle et cette logique illogique qui fait le cœur de l’homme, et de cette confrontation là surgit un comportement si complexe, si subtil que l’on s’émerveille en souriant et en se disant « oui, en cela je reconnais bien l’homme dans toute son humaine condition »

 

A titre d’exemple, je vous offre cet extrait final où un fervent lecteur avoue la déception qu’il ressent lors de chacune de ses lectures :

« La déception peut se produire à n’importe quel moment. Au premier paragraphe, à la page trente-huit ou à l’avant- dernière page. Une seule fois, il est arrivé à la dernière page d’un livre. Sur le point de commencer le dernier paragraphe (un paragraphe court, d’environ un tiers de page) et alors que la déception ne s’était pas produite, il a eu peur. Et si ce livre ne le décevait pas, même à la dernière ligne ? C’était tout à fait improbable ; à coup sûr, ne serait-ce qu’au dernier mot, la déception arriverait comme elle était toujours arrivée. Et si ce n’était pas le cas ? Dans le doute, il écarta rapidement le regard, cinq lignes avant le point final. Il ferma le livre, le mit à sa place et respira profondément ; cette démonstration de fermeté lui permet de continuer à rêver que tôt ou tard (au moment le plus inattendu, dès qu’il se sera enfin décidé) il aura assez de courage pour cesser d’ajourner sans cesse la décision définitive »

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Quim Monzo

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Quim Monzó est né en 1952 à Barcelone, où il vit. Ecrivain reconnu, auteur à succès, traduit en plusieurs langues, il a remporté de nombreux prix. Maître, avec Sergi Pàmies, du genre court, il est devenu célèbre pour son humour corrosif et un usage anticonformiste des poncifs indémodables et des modes vite caduques

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25 juin 2011

Vies écrites

1281547_4598035Saviez-vous que Joseph Conrad entrait fréquemment dans des colères noires, que James Joyce se livrait à la coprophilie d’une manière éhontée,  qu’Henry James devenait abscons par exigence de la précision langagière « La formulation de la plus simple question à une bonne  lui prenait au moins trois minutes, tant il était pointilleux sur la langue  et telle était son horreur de l’inexactitude et de l’équivoque », que  Robert Louis Stevenson aimait particulièrement la compagnie des délinquants et des criminels ?

Tout cela,  et bien d’autres anecdotes croustillantes, vous l’apprendrez dans ce livre jubilatoire où Javier Marias visite les travers et aberrations qui parsèment la vie de 37 auteurs célèbres dont il semble bien que l’art se soit fréquemment nourri aux sources les plus sombres.

Dans ces bribes de portraits véridiques mais néanmoins enrobés, l’auteur se livre au plaisir de l’anti-hagiographie teintée de tendresse et d’ironie et déploie un tel talent d’écriture qu’il mériterait assurément de figurer dans un nouveau volume de « vies écrites ».

En annexe, l’auteur, grand collectionneur de portraits d’écrivains, nous en présente quelques uns en s’essayant à un exercice d’analyse psychologique à partir de l’expression d’un visage, d’un geste, d’un vêtement, d’un de ces indices infimes où se révèle parfois l’essentiel ; exercice hautement périlleux  et improbable,  forcément partial,  et qui en dit sans doute davantage sur la sensibilité de Javier Marias que sur ces personnages eux-mêmes 


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